Philippe Olivier, l’affineur de fromages

Philippe Olivier, l'affineur de fromages

Porter avec passion, en France et dans le monde, une certaine idée du fromage : c’est ce à quoi s’emploie à Boulogne-sur-Mer toute l’équipe de la société Philippe Olivier.

Entretien avec l’artisan affineur Romain Olivier, qui a pris en 2004 la direction de l’entreprise familiale.
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«Salariés, producteurs, clients : nous sommes tous unis par l’amour du fromage et l’envie de le faire partager»

Romain Olivier

L’histoire de Philippe Olivier est une véritable saga familiale...

Tout à fait. Depuis quatre générations, nous sommes « dans le lait, la crème et le fromage ». L’histoire a débuté en 1907 en Normandie. Pendant que son frère ainé perpétuait la tradition familiale à Dieppe, mon père a fait de même dans les Hauts-de-France, où il s’est installé en 1974. Il n’avait plus de caves naturelles pour l’affinage, alors il en a fait aménager cinq en briques rouges, chacune avec une ambiance différente. En 2014, nous les avons transférées dans notre nouveau site de Boulogne-sur-Mer. Taux d'humidité, température, densité de la lumière... nous avons veillé à chaque détail.

Que faites-vous dans ces caves ?

Nous y affinons 300 variétés de fromages collectés auprès de 185 producteurs français et européens, dont une vingtaine de variétés exclusives qui avaient disparu et dont nous avons relancé la production, par exemple le Vieux Boulogne, un fromage local à mi-chemin du Pont-Lévêque et du Maroilles. Affiner les fromages est la mission exclusive de nos cinq chefs de caves. Ils les retournent régulièrement, les brossent, les relavent au pinceau, des soins toujours effectués à la main. Leur métier, exercé à l’abri des regards, est méconnu. D’autant qu’il n’existe aucune formation, on apprend avec le temps et l’expérience. La valeur ajoutée de l’affinage apparait à la dégustation. Et quelle valeur ajoutée ! En mettant le fromage dans des conditions optimales, il lui permet de développer toutes ses richesses. C’est d’ailleurs moins un métier qu’un art et chez Philippe Olivier, nous ne cessons de le perfectionner. Nous travaillons sur une matière vivante, de manière très empirique, et de ce point de vue, chacun de nos fromages est unique. Mais nous veillons aussi à maintenir un certain standard de qualité pour satisfaire pleinement l’ensemble de nos clients.

Sur quoi fondez-vous le développement de l’entreprise ?

Nous sommes portés par une ambition : valoriser le patrimoine fromager. C’est pourquoi, tout en renforçant notre savoir-faire d’affineur, nous accordons une grande importance à la collecte des fromages que nous commercialisons. Chaque année, nous en goûtons environ 200 nouveaux et n’en sélectionnons qu’entre deux et quatre. Nos critères sont toujours les mêmes : la saveur, la technicité du producteur et le maillage territorial.

Auprès de qui commercialisez- vous vos fromages ?

Nous réalisons la moitié de nos ventes auprès du grand public via un réseau de boutiques affiliées ou détenues en propre. Un quart sert à approvisionner des restaurants et des traiteurs. Le dernier quart est commercialisé à l’international. Mon père s’est tourné dès 1976 vers le Royaume-Uni, qui n’est qu’à 35 kilomètres de Boulogne-sur- Mer, et depuis le début des années 2000, nous mettons l’accent sur les exportations. Aujourd’hui, on peut trouver nos fromages sur les tables de 17 pays étrangers, en Europe, en Asie, au Moyen-Orient... Ces ventes sont le plus souvent le fruit de belles rencontres avec des chefs locaux.

La RSE, c’est important pour vous ?

Tellement important que j’ai une formation en gestion et développement durable ! Cela étant, nous avons été des écologistes avant l’heure dans notre entreprise. Depuis toujours, nous privilégions pour nos approvisionnements les petits producteurs situés dans un environnement naturel encore intact. Nous nouons avec eux des partenariats de long terme et faisons en sorte qu’ils perçoivent une juste rémunération. En outre, nous avons mis en place en interne une politique sociale placée sous le signe du respect : respect des hommes et des cycles de vie, avec des mesures comme l’annualisation du temps de travail. Philippe Olivier, c’est d’abord un collectif soudé autour de valeurs partagées et nous intégrons à notre communauté toutes nos parties prenantes, y compris les consommateurs. Nous avons ainsi créé il y a cinq ans un « cheese club » avec des clients de nos boutiques. Et grâce aux informations et aux conseils que nous apportons à ceux qui achètent nos fromages, nous contribuons à l’éducation au bien-manger, qui est aussi un choix de vie responsable

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