La région vaut plus qu'un fromage
Il y a 30 ans, la région représentait 5% de la production fromagère de France. Aujourd'hui, cette part est tombée à 1,5% dans ses caves d'affinage à Boulogne, Philippe Olivier ne comprend pas cette désaffection des habitants pour leurs fromages, partie intégrante de leur patrimoine. Il se bat depuis plus de 20 ans pour redonner aux fromages du Nord, leurs lettres de noblesse. Si tout le monde connait et apprécie le maroilles, qui a déjà consommé du Bergues, du crayeux de roncq, du vieux-gris de Lille, du vieux-Boulogne, du belval, rollot, saint-paulin ou du pas-de-l'ayau ?
Pourtant aujourd'hui on mange du maroilles à Marseille ou du Bergues à Toulon, en Arabie Séoudite ou au Japon. Depuis ses caves de la rue Thiers, le maître-fromager qui est le fournisseur exclusif de Fauchon à Paris et Kafer à Munich réalise un CA de 14MF dont un tiers à l'export ...
Le Nord ne doit pas avoir honte des ses fromages ! L'affineur est brutale; elle tranche avec l'homme, tout eb rondeurs. Venant d'un Normand, petit-fils d'un fromager exerçant à Rouen, patrie du camembert, cette, déclaration de guerre au mauvais goût et aux fast-food ne s'embarrasse pas en périphrase. En fermant leurs portes, certaines laiteries (St-Paulin , Pas-en-Artois, Steenvoorde) ont également condamné la production de nombreux fromages. "Les gens du Nord par modestie n'ont jamais cru en leurs produits, n'ont pas vu que le fromage était aussi un symbole culturel, qu'il pouvait véhiculer une image positive et que c'était créateur d'emplois, tout simplement !"
Quand il pose ses valises à Boulogne il y z 23 ans, Philippe Olivier dérange. Ne comptez pas sur lui pour vendre du fromage industriel sans odeur, ni saveur. Mais quand il demande où sont passés les fromages aux pâtes molles qu'il a découvert dans les livres, les croûtes rouges qui le faisaient saliver quand il était étudiant, on le prend pour un charlot ! Pourtant, aujourd'hui, il met la main un l'ouvrage consacré ay patrimoine fromager au Nord de Paris. Entre Flandre et Ardennes, Picardie et Thiérache, une quarantaine de variété mûrissent tranquillement sous les voûtes de pierre selon des méthodes ancestrales ...
Que faites-vous dans ces caves ?
Aujourd'hui, des fromages qui avaient pratiquement disparu des rayons ont retrouvé une nouvelle clientèle. Des nouveaux produits voient également le jour comme le "sans-nom" qui est fabriqué a Roncq par un couple de fermier depuis 7 générations. C'était autrefois un fromage destiné aux ouvriers de la ferme fabriqué à partir du lait caillé. Depuis peu, Michel et Thérèse-Marie Couvreur ont investi dans leur exploitation et fabriquent maintenant du "sans-nom" pour le commercialiser. Idem pour le vieux-Boulogne fabriqué à Wierre-Effroy ou le losange de basse- Thiérache ...
"Ce sont des exemples parmi d'autres" explique Philippe Olivier. Le monde agricole a subi ces dernières années des changements radicaux. Mais quelques fermiers croient encore en ce qu'ils font. Philippe Olivier rencontre de temps à autre des jeunes agriculteurs, construit avec eux un cahier des charges et s'engage à écouler 75% de leur production.
L'Amérique à l'index
Ce panorama idyllique soufre malgré tout des contraintes sanitaires. Et là, Philippe Olivier ne décolère pas : "on s'est laissé entraîner sous la pression des Américains vers des fromages sanitaires. C'est quand même aberrant de penser que ce qui sots du pis la vache est plus dangereux qu'un fromage pasteurisé ! D'accord, on a dû faire un peu de ménage chez nous. mais je pense maintenant que nos fromages, AOC ou autres sont parfaitement contrôlés et il n'y a aucun danger ..."
Même les européens changent actuellement d'attitude. Les Scandinaves, les Anglais fabriquent de nouveau du fromages à lait cru. "Le problème c'est qu'on était tellement sûrs de notre bon doit que l'on n'a pas vu le danger arriver. Aujourd'hui, il faut se battre pour défendre ce patrimoine qui est le nôtre" Des propos qui trouvent un Cho favorable auprès du grand public: la consommation de fromages pasteurisés est à la baisse alors que les AOC progressent d'année en année. E, 1900, un français consommait 3kg de fromage, en 1950, 8kg; aujourd'hui 27 kg de fromage par personne et par an.
Membre du "cercle des affineurs" Philippe Olivier aime surprendre ses confrères en mariant le fromage a la bière, "notre vin à nous, c'est ma bière!" Et en bon normand, il déguste son camembert accompagné d'un verre de cidre bouché. Sauvage !
Réalisé par La Voix du Nord
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