Philippe Olivier, le maître des fromages
Le fromager affineur Philippe Olivier est connu dans le monde entier. Il est aussi un homme d'affaires averti.
Philippe Olivier, un nom que l'on entend souvent sur les ondes radiophoniques, dans la bouche d'un certain Jean-Pierre Coffe. Ce dernier voit ce boulonnais d'adoption l'un des plus grands fromagers affineurs français.
Cette notoriété fait sourire Philippe Olivier qui parle toujours avec la même passion et la même simplicité de ses produits du terroir. Pourtant, son entreprise est aujourd'hui florissante aux quatre coins du monde. Ses buffets de fromages l'amènent dans tout l'hexagone quand il ne met pas ses habits de conférencier ou de président du club des fromages ...
Le fromage inscrit dans les gènes
"Le fromage, je suis quasiment tombé dedans tout petit" , confie avec amusement le fromager. Né en Normandie, partie notamment du camembert, il grandit à Dieppe au rythme de l'essor de l'épicerie-fromagerie familiale. "Je faisais un BEP comptabilité. Je ne songeais pas à travailler dans le monde des fromages". Et tout comme aujourd'hui, il est attaché à prendre le temps de bien affiner ses produits, la passion pour le fromage a muri "J'ai fait l'école de crémerie et fromagerie à Paris en 1969 puis j'ai sillonné les routes de France, durant deux ans, pour mon compagnonnage. De là est née ma passion pour les produits régionaux.
L'ancienne boucherie devient fromagerie
En 1974, il pose ses valises, rue Thiers à Boulogne-sur-Mer. "J'ai racheté une ancienne boucherie. J'ai démarré sans clients, juste avec cette dette.
Les caves n'attendent plus que les fromages qui seront affinés selon des techniques anciennes. Pourtant, rien n'est gagné. "Je me souviendrai toujours de cette dame passant devant ma boutique et qui, en patois, me donnait six mois avant de fermer le rideau", se remémore ce dernier. Trente-trois ans plus tard il est toujours la ...
A ses débuts, le jeune fromager se pose alors la question de savoir où il va s'approvisionner. "Je pouvais aller chez les grossistes et acheter du fromage basique" Attaché aux produits de caractère, il se met donc à sillonner les routes de France à la recherche de petits producteurs. "Pendant dix ans, j'ai consacré mes weekends et mes vacances à trouver des fromages aux goûts vrais.
Sa démarche ne passe pas inaperçue chez les fabricants. "Les producteurs m'ont parfois regardé bizarrement car je suis prêt à payer le juste prix de leur travail. Je veux que mon maroilles soit fabriqué avec le lait de vache flamande, que le fromage soit moulé à la louche ..."
Les débuts à l'export
Philippe Olivier a trouvé ses fournisseurs mais il lui faut désormais vendre. Comme souvent au cours de sa carrière, il va avoir l'idée qui fera la différence. "Les plats de fromages sont rarement mis en évidence dans les restaurants. J'ai donc pensé à contacter les restaurateurs locaux pour leur proposer un plateau varié et bien décoré. Le soir, je retenais une table et je regardais comment se comportaient les clients en passant devant ce plateau mis en évidence. 80% prenaient du fromage."
Le par fonctionne et ses fromages se retrouvent sur les meilleurs tables de Boulogne,e-sur-Mer.
En 1980, ce sont deux restaurants anglais étoilés au Michelin qui font appel à lui "De deux, je suis passé à 25 établissements. Puis, nous avons été présents en Belgique, au Luxembourg ... j'étais inquiet, 20 % de mon activité était basée à l'export. C'était flatteur mais en même temps, cela allait très vite."
A la conquête du Japon
Aujourd'hui Philippe Olivier regarde ceci avec du recul : plus de 55% de ses activités sont tournées vers l'export.
"Tout le monde allait au Japon. Je voulais y être aussi. Seulement, je n'avais pas beaucoup d'argent, ne serait-ce que pour me payer le billet." Qu'importe, là entre ses idées et son esprit d'initiative vont se révéler déterminants. Il prend sa plume, écrit à l'ambassadeur du Japon et quelques mois après, les premiers gourmets du pays du soleil levant le réclament au terme de la série de conférences qu'il a donné là-bas.
D'ambassades en ambassades, de grandes chaînes de restauration, Philippe Olivier exporte aujourd'hui son fromage à Singapour, à Dubaï, au Qatar ...
Pourtant, cette réussite ne lui tourne pas la tête. Ce qu'il aime par dessus tout c'est discuter avec les clients de ses différentes boutiques et dénicher de nouveaux producteurs.
"Manger des bonnes choses ne veut pas dire de manger des choses luxueuses. Je vends peut être mes fromages 15 à 20% plus cher que d'autres mais il viennent du terroir et je rémunère au juste prix les gens qui le font avec respect. Cela ne nous dérange pas de le redire. J'ai toujours eu l'obsession d'expliquer mes différences."
Le parcours de Philippe Olivier
1950
1969
1978
1987
Les fromages de Philippe Olivier sont vendus au Japon
2007
Romain, le fils de Philippe Olivier, rejoint l'entreprise
Une passion partagée par son fils
L'obsession d'expliquer encore et encore son amour du fromage, Philippe Olivier le fait avec un surcroît d'entrain depuis que son fils Romain, tout juste 24 ans, a choisi de le rejoindre. "Il a fait l'Ecole supérieure de commerce de Tours. Il pouvait faire des tas d'autres choses mais il a préférer prendre part à l'aventure. Je suis fier de lui comme peut l'être un père." Le temps d'une confidence, le chef d'entreprise laisse place au papa, pudique.
Les affaires rattrapent vite les Olivier père et fils. "Romain parle anglais couramment et assure déjà de nombreuses conférences partout dans le monde. Il va désormais aussi s'intéresser à l'organisation de l'entreprise ainsi qu'à notre positionnement en matière de nouvelles technologies."
L'ancienne boucherie devient fromagerie
Philippe Olivier songe aussi de plus en plus à un projet qui lui tient à coeur. "J'aimerais trouver un corps de ferme à une dizaine de kilomètres de Boulogne-sur-Mer. J'y reconstruirai alors des caves et un atelier de fabrication. Pourquoi ne pas y adjoindre une bibliothèque avec des ouvrages sur le fromage ?"
Les idées fourmillant toujours dans la tête du fromager boulonnais, il a eu l'idée de créer une bière est un breuvage très courant, nous avons eu l'envie d'en élaborer une qui pouvait se marier au fromage.
Cela a donné la "bière à frometon". Le mot frometon est un clin d'oeil à mon père qui était aussi fromager." De la bière au cidre, il n'y a qu'un pas. Dans un coin de sa tête, Philippe Olivier rêve d'ouvrir une nouvelle boutique où le cidres de ferme côtoieraient les fromages. Pour l'heure, ce chef d'entreprise intarissable sur sa passion songe aussi à se ménager du temps pour ses fonctions de vice-président, chargé du commerce à la Chambre de commerce et d'industrie de Boulogne ainsi qu'à sa mission de président de président du réseau des partenaires du club de football.
Au coeur de cet agenda serré, l'homme sait aussi savourer de bonnes choses. "Je ne fume pas, mon seul luxe est de boire du saint-julien avec parcimonie."
Comme pour ses fromages, Philippe Olivier juge qu'il faut laisser du temps au temps.
Réalisé par le Journal des entreprises
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