L’interview du jour : il défend les fromages culturels et historiques

L'interview du jour : il défend des fromages culturels et historiques

Fromager à Boulogne-sur-mer, coprésident du Cercle des fromagers affineurs, membre du Syndicat national des crémiers fromagers et de l'association Fromages de terroir, Philippe Olivier milite pour la défense des vrais fromages et des fromages au lait cru.

Vous êtes un militant de la première heure pour la défense des fromages du terroir ...

Tout à fait. Depuis quatre générations, nous sommes « dans le lait, la crème et le fromage ». L’histoire a débuté en 1907 en Normandie. Pendant que son frère ainé perpétuait la tradition familiale à Dieppe, mon père a fait de même dans les Hauts-de-France, où il s’est installé en 1974. Il n’avait plus de caves naturelles pour l’affinage, alors il en a fait aménager cinq en briques rouges, chacune avec une ambiance différente. En 2014, nous les avons transférées dans notre nouveau site de Boulogne-sur-Mer. Taux d'humidité, température, densité de la lumière... nous avons veillé à chaque détail.

Comment a évolué la consommation de fromage en France ?

Elle stagne depuis trois ou quatre ans autour de 24 kg par an et par habitant, ce qui est assez considérable. Au début du siècle dernier, nous étions à 3 kg. On considère que 10% à 12% des fromages sont distribués par des petits crémiers, des fromagers affineurs et 20% sont au lait cru ...

Et quelle est la part des fromages de type industriel ? Elle est en augmentation ?

Ce n'est plus vrai. Les produits industriels ont beaucoup progressé avec le développement des supermarchés ... Mais, aujourd'hui, par exemple, les camemberts très industriels sont en baisse et les camemberts au lait cru, moulés à la main, sont à nouveau en hausse. Il y a un revirement assez net depuis trois ou quatre ans. C'est une bonne nouvelle. Je n'ai rien contre les produits industriels, mais ce que je ne veux pas, c'est qu'on laisse croire que ces produits industriels sont des produits fermiers ou traditionnels. Pour moi, c'est un choix de société, d'achat, de liberté que les gens aient la possibilité de choisir entre du gros rouge ou un vin de Chinon ... Est-ce qu'on veut un fromage culturel et historique ? Le fromage industriel doit exister pour faire vivre des laiteries, mais que l'on ne fasse pas croire qu'un certain nombre de fromages industriels sont des fromages fermiers !

Comment se portent les fromages du terroir dans le Nord-Pas-de-Calais ?

Ils se portent plutôt en nombre de variétés : on compte une quarantaine de fromages culturels et historiques. Mais il faut faire attention, certains fermiers ou artisans ne font pas des fromages historiques de notre région. Il y a des gens par exemple qui font des camemberts dans le Nord : non, laissons le camembert aux Normands ! Il y a des gens qui font des pyramides de chèvre dans le Nord : ça, c'est les bords de la Loire. Il y a des gens qui font de la tome dans le Nord : non, laissons ça au savoyards. Parce que ça se vend bien, il y a un certain nombre de gens en train de dériver ... ça je le déplore. Il y a suffisamment de bons fromages dans le Nord comme le Bergues, le maroilles, le coeur d'Arras. Ne nous laissons pas aller à copier des fromages d'autres régions de France qui ne correspondent à nos races de vache, à notre terroir, à notre climat, ce serait une erreur !

Réalisé par Nord Éclair

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