Faisons un fromage
Ce matin-là, on a embarqué pour Boulogne-sur-Mer (Pas-de- Calais). Pas pour causer cabillaud, crevette ou hareng fumé comme pourrait le laisser supposer cette destination maritime et septentrionale. Non, on était venu jacter fourme d’Ambert, Ossau-Iraty, chaource ou encore valençay à un jet de galets d’une mer émeraude. Parce que figurez-vous que dans le premier port de pêche de France se trouve l’un des plus remarquables conteurs de nos fromages. Depuis plus de trente ans, Philippe Olivier bat la campagne où il rencontre petits éleveurs et artisans fromagers pour dénicher fromages oubliés et pépites au lait cru, qu’il s’emploie à faire connaître et déguster au-delà de leur région de production. Il multiplie également les conférences-dégustations, écrit une lettre mensuelle où il vous parle vache, chèvre, saison, affinage à la manière d’un griot, d’un passeur de mémoire de notre patrimoine fromager.
Dans la famille Olivier, on est collecteur-affineur et marchand de fromages depuis plus d’un siècle. Le grand-père était épicier-fromager à Rouen, le père s’est installé à Dieppe, et Philippe Olivier a démarré dans une ancienne boucherie de Boulogne. Aujourd’hui, la relève est assurée avec le fils Romain. Si vous passez par la rue Thiers (1), laissez-vous tenter par son antre frais, odorant et ensorcelant comme une entrée de borie, ces cabanes de lauzes où s’abritaient les paysans provençaux. Vous y découvrirez le vieux gris de Lille, le fromage de monsieur, l’ami du Chambertin, le crayeux de Roncq, le crémet du cap Blanc-Nez, le rollot de Picardie. Au total, 250 fromages (dont une cinquantaine de chèvres) qui vous procureront un appétit encyclopédique.
Alors, à l’occasion de la Journée nationale du fromage qui se déroule samedi, sous l’égide de l’association Fromages de terroirs, voici quelques suggestions de Philippe Olivier pour déguster ces 365 fromages qui faisaient dire à De Gaulle que la France est un pays ingouvernable et à Churchill, durant la Seconde Guerre mondiale, qu’«un pays capable de donner au monde trois cents fromages ne peut mourir».
Le fromage unique
Vous pouvez opter pour une version classique : un brie de Meaux parfaitement affiné, ça en jette sur la table du repas d’anniversaire de votre cher et tendre. Un beau saint- nectaire peut aussi faire l’affaire à côté du jambon de Bayonne entier lors du buffet des 20 ans de votre aînée. Et dire que petite, elle croyait que tous les fromages étaient du Caprice des dieux.
Plus élaboré, le fromage unique travaillé. Prenez une demi- fourme d’Ambert. Enlevez la pâte persillée à l’intérieur et faites-la macérer soixante-douze heures avec une demi- bouteille de sauternes. Puis remettre en place dans la fourme. Servir avec un émincé de poires fraîches, du pain aux raisins et un verre de sauternes (vous n’aviez quand même pas sifflé le reste de la bouteille ? ).
Et maintenant, la recette qui mettra les convives à vos
pieds : le camembert affiné au calvados. Acheter un camembert. Un vrai, au lait cru, affiné. Par exemple de la marque Graindorge. Gratter la croûte, décorner les coins supérieurs et inférieurs du tour du fromage. Piquez-le avec une fourchette et arroser d’une cuillère à soupe de calvados. Renouveler l’opération de l’autre côté du camembert que l’on enrobera de chapelure avant de l’envelopper dans un torchon humide et de le placer dans un endroit frais. Servir, par personne, un sixième de camembert, une cuillère à soupe de compote un peu acide, du pain aux raisins et un verre de cidre du canton de Cambremer.
Sur quoi fondez-vous le développement de l’entreprise ?
Trois fromages
Le plateau de fromages
Compter six fromages pour représenter les six grandes familles en choisissant pour chacun un terroir différent. Par exemple : un valençay du Berry pour les chèvres ; un camembert de Normandie pour les pâtes molles à croûte fleurie ; un reblochon de Savoie pour les pâtes pressées ; un comté du Jura pour les pâtes cuites ; un maroilles du Nord pour les pâtes molles à croûte lavée ; un roquefort du Rouergue pour les pâtes persillées.
Et n’oubliez pas, dit Philippe Olivier, que les fromages sont les meilleurs quand ils sont issus du lait des vaches retournant au pré après l’hivernage. Ou du lait de l’époque du regain, l’été.
Réalisé par Libération
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